L'univers en folie

 

              

  

 

 

 

 

Où l'on va découvrir ..

que la Terre n'est pas la sage valseuse que l'on croyait jusqu'alors mais une adepte de la salsa ,

que la lumière nous joue des tours qui faussent notre perception de l'espace,

que les étoiles elles mêmes , que l'on considérait jusqu'alors comme le repère immuable ,  ont des fourmis dans les jambes.

Rassurez vous , ces découvertes n'altéreront pas les principes généraux de la mécanique céleste , mais il va falloir procéder régulièrement à de subtiles corrections .

Au moment d'aborder un chapitre sur la mesure , il faut le savoir , pour en comprendre toute la difficulté .

 

 Les mouvements séculaires


La précession

 


 



La terre n'est pas exactement sphérique .

La présence d' un bourrelet équatorial dénote un certain laisser-aller .

En effet , le diamètre équatorial mesure environ 54 km de plus que le diamètre polaire  .

Soleil et lune exercent une influence sur ce bourrelet . Cela perturbe la rotation de la terre qui ressemble, en fait, à celle d'une toupie dont l'axe de rotation décrit un cône autour de la normale au plan de l'écliptique.

 

 

 


 

 

 

 

 De ce fait , le pôle nord céleste (qui est la trace sur la sphère céleste de l'axe de la toupie) décrit un cercle autour du pôle de l'écliptique (qui se trouve dans la constellation du dragon à une distance angulaire de 23,5°) . Ce mouvement est très lent (un tour complet en 26.000 années) mais on en trouve des traces dans l'histoire de l'humanité : il y a quatre mille ans , les mésopotamiens utilisaient Thuban , une étoile de la constellation du dragon, comme étoile polaire . En l'an 800 les vikings avaient opté pour une étoile de la girafe .

 

 

 

 

Le mouvement du pôle affecte bien sûr d'autres repères : c'est le cas du point vernal .

Ecliptique et équateur céleste sont deux grands cercles de la sphère céleste dont les plans se coupent avec un angle de 23,5° (même distance angulaire que leurs pôles respectifs) .

 

 Rappelons que le point vernal est l'une des deux intersections du cercle écliptique et de l'équateur et qu'il sert d'origine aux longitudes en coordonnées équatoriales .

Imaginons 2 positions du pôle nord (Pn1 et Pn2) diamétralement opposées, sur le cercle de précession . Il leur correspond deux positions de l'équateur Eq1 et Eq2.  L’écliptique n’a pas bougé.  Le point P, intersection de l'écliptique et de l'équateur qui nous fait face, est - il le point vernal ou son opposé ?

Cela dépend de la façon dont le soleil , qui (virtuellement) se déplace toujours de gauche à droite sur notre dessin, va traverser le plan de l'équateur  . Si c'est du sud au nord nous nous situons au point vernal .

Si c'est en sens inverse, nous nous situons au point diamétralement opposé.

(Par rapport au plan équatorial , l'hémisphère nord est celui qui contient le pôle nord , l'hémisphère sud est coloré sur le dessin).



Or nous voyons que le soleil traverse le plan Eq1 du sud au nord (le point P correspondant est le point vernal) . Tandis qu'il franchit le plan Eq2 du nord au sud (P opposé au point vernal) .


Cela veut dire que , pendant que le pôle nord décrit un demi - cercle de précession, le point vernal décrit un demi cercle d'écliptique (ou de zodiaque) .

On peut considérer que le point vernal se déplace d'un peu plus de  50" par an dans le zodiaque , ce qui correspond à une constellation en moyenne tous les 2140 années . Aujourd'hui , à l'équinoxe de printemps, le soleil se trouve dans les Poissons (pas loin du Verseau) , alors qu'il y a 2.000 ans , au temps de la Grèce antique, il se trouvait entre Poissons et Bélier.

 

L'origine des longitudes se déplaçant par rapport aux étoiles , on peut en déduire sans risque que leurs coordonnées équatoriales (longitude et latitude sur la sphère céleste) s'en trouveront affectées .

Les catalogues précisent en effet l'année pour laquelle elles ont été calculées . On voit , par exemple, sur le dessin qu'une étoile de l'écliptique peut passer du sud de Eq1 au nord de Eq2.

 

La nutation


Comme rien n'est simple , l'influence de la lune sur le bourrelet équatorial n'est pas constante .

L'orbite lunaire fait un angle de 5° avec l'orbite terrestre . Le dessin ci-contre la représente vue de dessus , depuis l'hémisphère nord de l'écliptique (en vert).

On appelle noeud ascendant le point où la lune traverse le plan de l'orbite terrestre dans le sens sud -  nord .

Le noeud descendant lui est diamétralement opposé sur l'orbite lunaire .

La ligne des noeuds joint ces 2 points singuliers .



Elle tourne  de 20° par an, en même temps que l'axe de l'orbite dans le sens opposé à celui de la lune .

La période de ce mouvement est donc d'à peu prés 18 ans (360/20).


La direction du point vernal , dans l'écliptique , correspond aussi à  l'intersection du plan équatorial et du plan de l'orbite terrestre. En 18 ans, la ligne des noeuds va coïncider 2 fois avec la direction du point vernal:  lorsque le noeud ascendant est en conjonction avec lui et lorsqu'il est en opposition  .

 

 Voyons ce qui se passe entre ces deux positions en choisissant un autre angle d'observation (depuis le point vernal). Les deux orbites correspondantes sont symétriques par rapport à l'écliptique avec lequel elles font un angle constant de 5° .

 

On voit que lorsque le noeud ascendant est en conjonction avec le point vernal (du même côté que lui ) l'orbite lunaire (en bleu) est au plus prés de l'équateur terrestre . L'influence gravitationnelle de la lune sur le bourrelet est donc maximale dans ce cas, minimale dans le cas contraire (orbite rouge) , et intermédiaire entre ces deux positions .


Cela se traduit par des tiraillements périodiques exercés sur la toupie terrestre tendant à rapprocher l'équateur de l'orbite lunaire (c'est à dire le pôle nord du pôle de l'écliptique) puis à le relâcher.

On appelle ce phénomène la nutation.


 

 

On peut donc imaginer comment se déplace le pôle nord sur la sphère céleste sous les influences combinées de la précession de la nutation :

Evidemment , le dessin n'est pas à l'échelle .

D'abord du point de vue des temps : le cercle complet devrait être décrit en 26.000 années et la période de la nutation est 18 ans , ce qui fait que les alternances dues à la nutation devraient être beaucoup plus nombreuses  .

Ensuite du point de vue de l'amplitude : le déplacement dû à la nutation a une amplitude maximale de 9,21 secondes d'angle alors que le rayon du cercle de précession est vu sous 23,5°.

L'amplitude des oscillations devrait être beaucoup plus faible.

Enfin , il faut ajouter que la courbe de nutation n'est pas plane mais s'enroule autour du cercle de précession en une sorte de tore ayant une section elliptique .

 


La nutation a aussi un effet sur la situation du point vernal dans l'écliptique . Sous son emprise , celui-ci oscille en 18 ans de 17,24 secondes autour de sa position moyenne mais le mouvement dominant est celui de la précession.

 

Influences planétaires

Le reste du système solaire exerce aussi sur la terre une influence semblable à celle de la lune et du soleil mais beaucoup moins marquée .  Les influences planétaires modifient notamment l'inclinaison de l'équateur terrestre sur l'écliptique (qui oscille entre 21°55' et 24°18' en 40.000 ans) et contribuent à la précession pour 12 secondes par an mais en sens inverse de la précession luni-solaire .

Au total , pour les amoureux de la précision , le rythme de précession est de 50,256 secondes par an , le cône étant entièrement décrit en 25.760 années .


Le mouvement propre des étoiles

 

C'est Halley (celui qui a donné son nom à la comète du siècle) qui a découvert le mouvement propre des étoiles en comparant ses propres catalogues à ceux d'Hipparque et de Ptolémée .

Il se traduit par un déplacement de quelques secondes par an sur la sphère céleste , par rapport à d'autres étoiles et , notamment , à notre soleil .

Il est maximal pour l'étoile de Barnard, qui est l'étoile la plus proche après Alpha Centauri . Son amplitude a été évaluée à 10,34 secondes par an (1 degré tous les 3 ou 4 siècles)

L'observation directe  ne nous permet d'évaluer que l'angle du mouvement propre (en jaune).

Il existe aussi une composante radiale ,  c'est à dire tendant à éloigner ou à rapprocher l'étoile de la Terre.  On l'a représentée , sur le dessin , par une flèche rouge .

Pour étudier cette composante , on fera appel à l'effet Doppler - Fizeau .

Le décalage du spectre permet de calculer la vitesse radiale Vr de ce mouvement et il suffit de la multiplier par le temps d'observation pour savoir de combien à varié le rayon du cercle sur lequel se situe l'étoile .


Pour mesurer la vitesse radiale , il faut choisir une étoile dont le spectre a une bonne résolution (raies séparées) et on atteint dans le meilleur des cas une précision de 0,07 km/s (ce qui est assez remarquable) .

Pour l'étoile de Barnard , ces mesures indiquent -108 km/s (environ 25 millions de kilomètres ou 0,0004 années lumière par an) .

Le signe négatif indique qu'elle se rapproche du système solaire qu'elle devrait frôler de moins de 4 années lumières en l'an 10.000 .

A cet instant , Barnard sera plus proche de la terre qu'Alpha Centauri dont la vitesse radiale n'est que de -25 km/s et elle sera nettement plus brillante .

Notre soleil a , lui aussi,  un mouvement propre . On appelle Apex la direction vers laquelle il se dirige , quelque part vers un point situé entre les constellations d'Hercules et de la Lyre (Véga) à une vitesse estimée à 19,4 km/s.

 

La proximité visuelle n'étant pas forcément un gage de proximité physique , on identifie notamment les étoiles d'un amas à ce qu'elles adoptent une vitesse commune .

 

Le mouvement propre des étoiles débouche évidemment sur une modification de la forme des constellations à très long terme .

Un exemple souvent cité est celui de la Grande Ourse dont voici les dessins il y a 100.000 ans (A) , aujourd'hui (B) et dans 100.000 ans (C) .

 

 Ainsi , la Grande Ourse était vulgairement appelée Le Têtard il y a 100.000 ans et on l'appellera Une-cuillerée-pour-maman dans un futur éloigné , si toutefois il reste des cuillères , des mamans et des rêveurs pour regarder les étoiles .

 

 

 

 

Appliquées aux galaxies , les techniques de Doppler Fizeau montrent que leur spectre est unanimement décalé vers le rouge .

Cela signifie que toutes les galaxies s'éloignent de la nôtre.

Un autre point d'observation donnerait le même résultat  : si l'on choisit au hasard un couple de galaxies suffisamment éloignées l'une de l'autre, on va constater que leur distance mutuelle croît avec le temps .

 

On a souvent comparé les galaxies aux grains de raisin mélangés à la pâte d'un gâteau gonflant pendant la cuisson . Ils ne peuvent que s'éloigner les uns des autres .

Hubble ,  a estimé que plus une galaxie était lointaine , plus sa vitesse de fuite était grande (en gros proportionnelle à la distance selon la formule V = H.d  où V est la vitesse , d la distance et H la constante dite de Hubble) .

 

 

En fait, deux galaxies distantes de 3,2 millions d’années – lumière devraient s’éloigner l’une de l’autre à la vitesse de 65 km/s . Mais ce chiffre n’est pas certain car l’évaluation de H est constamment révisée et subit d’importantes modifications (ce qui fait de H la constante la plus inconstante de l’histoire des sciences).

 

 

 Les aberrations visuelles



Dessin de gauche :

Supposons une étoile E émettant un photon vers le point 4 à une vitesse C et la terre se dirigeant vers le point 4 avec une vitesse v .  On observe d'abord les trajectoires depuis un point fixe de la sphère céleste .

Les positions 1 , 2 , 3 , 4 représentent la terre et le photon à des instants séparés par des intervalles de temps égaux . 

 

Pour un observateur extérieur , pas de problème : il sait que quand la terre reçoit les photons en 4 , la direction de la source est la verticale à sa trajectoire .

 

Dessin de droite :

Mais pour un observateur terrestre , (supposé immobile en 4 , alors que la terre le véhicule à la vitesse v) tout se passe comme si les photons décrivaient une trajectoire conservant les distances et les angles de la trajectoire précédente (comme le montre le dessin du milieu) , c'est à dire comme s'ils nous provenaient d'une direction faisant un angle d avec la verticale qui a l'instant ou l'on reçoit le photon est la direction réelle de la source .

L'erreur commise dans la mesure est donc d.

Si t est le temps pour les deux mobiles d'aller de 1 en 4 , on a tg(d)=vt/Ct = v/C .

Quand d est trés petit, on a sin(d)=d, cos(d)=1 donc tg(d)=d. L'erreur commise est à peu prés v/C en radians.

 

Interprétation relativiste

 

Mais le défaut de l'interprétation précédente, est qu'on ne peut voir un photon en 1,2,3,4, comme une goutte d'eau avant de l'avoir reçu (puisque c'est la réception du photon qui provoque la vision) . En mécanique relativiste, on ne s'intéresse qu'à l'ultime portion de la trajectoire (entre 3 et 4), qu'il va parcourir en un temps Dt à la vitesse C .

l Pour un observateur du repère propre , situé en 4 , quand le photon est en 3 , au temps -Dt , ses coordonnées sont X=0 et Y=CDt . Quand le photon est en 4 , au temps 0 , ses coordonnées sont X=0,Y=0 .

l Pour un observateur situé sur la terre , le repère impropre , les coordonnées du photon sont données par les formules de Lorentz : au temps t = -Dt (photon en 3) : X'=g(X-vt)= g(0+vDt)= gvDt        et        Y'=CDt  .

et au temps 0 (photon en 4) X'=0 ,Y'=0 .  Le photon nous parvient donc bien selon une trajectoire oblique faisant avec la verticale un angle  dont la tangente est X'/Y'= gv/C mais comme g est très proche de 1, on trouve le même résultat, à quelque chose prés .

La mobilité de la terre est donc une cause d'erreur dans la détermination de la direction des astres .

Quand on prend en compte la vitesse de la terre sur son orbite (30 km/s) on parle d'aberration annuelle et on trouve une erreur maximale de 20"49 .

Quand on prend en compte la rotation de la terre sur elle même , avec une vitesse de 0,465 km/s à l'équateur , on trouve une aberration diurne maximale de 0,33 secondes .

 

La réfraction atmosphérique



L'atmosphère est formée de plusieurs couches dont les indices de réfraction sont différents .

(on peut considérer qu'ils sont distribués selon un gradient) .

Donc , après un trajet rectiligne dans le vide depuis la direction vraie de l'astre , le rayon lumineux est dévié par la réfraction avant de nous parvenir .

Au moment où il rencontre notre oeil , le rayon semble nous parvenir de la direction correspondant à l'ultime tangente au trajet réel .

En réalité , il nous parvient d'une direction parallèle au trajet réel avant qu'il ne commence la réfraction .

 

L'erreur ainsi commise (l'angle jaune du dessin) est l'une de celles qui affecte le plus la mesure mais elle est fonction de la direction réelle dans laquelle se trouve l'astre .

 

Si l'astre se trouve réellement au zénith , l'erreur est nulle (l'atmosphère est abordée selon une direction normale et le rayon la traverse sans être réfracté) .

Si l'astre se trouve sur l'horizon , l'erreur peut atteindre 36'36" . Le diamètre apparent du soleil  est d’environ 30’.

Ainsi , on peut voir le soleil se lever alors qu'il est encore sous l'horizon .


4. Histoire de la mesure