Le bond décisif

 

               

 

Aux 16eme et 17eme siècle les esprits bouillonnent . Les sciences modernes prennent leur essor et l'astronomie n'échappe pas à la règle .

Dans ce chapitre , nous allons découvrir le contraste entre le caractère timoré de Copernic et la hardiesse de ses thèses , la personnalité débridée et outrancière  de Tycho Brahé , le maître de l'île écarlate, le comportement  attachant de Kepler à qui l'histoire ne rendit pas justice car il reste le moins connu des géants de cette époque alors que son rôle fut décisif, la contribution utile mais  modeste de Galilée , l'opportunisme de Newton dont la fameuse pomme ne tomba de l'arbre qu'une fois que ses illustres prédécesseurs l'eussent bien mûrie .

 

 

 

 

 


A la fin de ses études à Cracovie Copernic fut nommé chanoine de Frauenburg , prés de l'embouchure de la Vistule . Après quoi , il partit en Italie où il resta 10 années pour apprendre la médecine , l'astronomie , le grec, le droit , la philosophie et tout ce qui devait faire l'homme universel que la renaissance proposait comme modèle . C'est là qu'il prit connaissance des thèses d'Aristarque et forgea sa conviction de l'héliocentrisme . Puis , il revint en Prusse en 1506 et y resta jusqu'à sa mort .

Frauenburg , il rencontra, à la fin de sa vie,  Georg Joachim Von Lauchen dit Rethicus qui devint à la fois son confident son aide , son agent de publicité et son aiguillon , à tel point qu'on peut se demander s'il n'était pas plus Copernicien que son maître lui même .

Il semble que Copernic qui était partagé entre le désir de publier ses oeuvres et la crainte qu'elles soient méjugées par ses contemporain ait envoyé Réthicus en éclaireur . Celui-ci publia en 1540 le « Narratio Prima » où il exposait les thèses de son maître sans jamais le nommer .

Puis , il arracha littéralement le "De revolutionibus" des mains de Copernic , le recopia , corrigea quelques erreurs et fit en sorte qu'il fut publié quelques mois avant la mort de son auteur .

Une préface anonyme prévenait le lecteur "qu'il n'y avait pas lieu de regarder le contenu de l'ouvrage comme vrai, ni même probable" . Nous ne saurons jamais si c'était l'avis de Copernic lui même .

             La raison pour laquelle Copernic entreprit sa réforme est mystérieuse .

Au cours d'un voyage en Italie , il eut comme maître un certain Novarra qui avait remarqué que la latitude des villes avait changé d'un peu plus d’ un degré depuis l'Antiquité .


 On sait que la latitude peut être déterminée grâce à la hauteur de la polaire sur l'horizon nord et comme il se trouve que l'axe de la terre décrit un cône en 26.000 ans , au lieu d'indiquer une direction constante par rapport aux étoiles , le pôle nord décrit un cercle sur la sphère céleste . C'est donc tout à fait par hasard que l'axe de la terre  indique aujourd'hui la direction de l'étoile polaire .

Bien évidemment , si l'axe de la terre bouge , l'équateur en fait autant puisqu'il est défini comme un plan perpendiculaire à cette droite , et la latitude varie lorsqu'on la définit par rapport aux étoiles . L'ecliptique étant constant , il s'ensuit que le point vernal décrit l'écliptique à raison de 50" d'arc par an environ, en sens contraire du soleil et des planètes .  

Donc , si l'on définit l'année comme la période de temps qui sépare deux passages du soleil au point vernal (année tropique) , on obtient une durée plus courte de quelques heures que si on la définit comme période de temps qui sépare deux passages du soleil devant une étoile (année sidérale) .

Ce phénomène , appelé précession, que nous verrons plus en détail  chapitre intitulé "l'univers en folie", avait été découvert par Hipparque longtemps avant Novarra .

 

 Apparemment , Copernic fut très impressionné par la révélation de ce fait car il remettait en cause le dogme d'immobilité de la terre. Mais de là à justifier une refonte complète du système ....

Toujours est-il que Copernic entreprit de bâtir son système avec hargne, comme si ayant trouvé un pavé mal ajusté dans le sol d'une maison , il avait estimé qu'il était nécessaire de reconstruire la totalité de l'édifice .


 

 Ce n'est pas sans raison qu'on parle de révolution Copernicienne .

Non seulement la terre tourne sur elle même mais le système est héliocentrique . Postuler que le soleil est un corps fixe , même s'il n'occupe pas exactement le centre du dispositif  et supporte encore une machinerie épicyclique , comme pour rendre hommage aux grands précurseurs, demandait un certain courage   .

Mais Copernic différa la publication de son oeuvre pendant trente ans sans qu'on sache exactement si ce manque de hâte était dû à des scrupules scientifiques , à des difficultés pour trouver l'argumentation adéquate au déracinement d'un grand mythe, ou à la peur des sanctions ecclésiastiques que pourrait lui valoir sa prise de position .

Peut être y avait-il un peu des trois .



Son ouvrage : "De la révolution des orbes célestes" , traduit ces hésitations .

Après une introduction courageuse , il déploie plus d'énergie à lever les objections d'éventuels détracteurs et à ménager la susceptibilité de l'église qu'à justifier la supériorité de son système .

 

 

 Ses arguments essentiels tiennent à l’esthétisme et à la commodité : il est dommage que la mécanique Ptoléméenne ne s'appuie pas essentiellement sur le mouvement circulaire uniforme, il est intéréssant que la périodicité des planètes devienne une fonction croissante du rayon de leur orbite (de 88 jours pour Mercure à 29 ans pour Saturne), il est commode de prendre en compte la précession des équinoxes pour faire évoluer les tables et des calendriers de façon mécanique, il est pratique de pouvoir calculer le rayon de l'orbe d'une planète inférieure en fonction de la distance terre-soleiletc ...

Mais , fonde -t'on une révolution sur l'esthetisme et la commodité alors que la communauté scientifique ne réagit qu'à la nécessité et encore , à condition qu'elle s'impose aux aveugles et aux sourds ?



Pour le reste, Copernic réclame la parité de son système avec celui qu'il prétend remplacer mais il semble, en fait, qu'il soit moins performant que celui de Ptolémée dans la prédiction de l'emplacement des astres .

D'ailleurs , pour mieux mesurer la performance future de Kepler , qui donnera au système sa simplicité actuelle, voyons en quoi le système de Copernic, en sus de son imprécision, était, somme toute, trés alambiqué .

Copernic était opposé à l'utilisation de l'équant ptoloméen et il devait corriger certaines faiblesses de son modèle à base de rotations uniformes (qu'il érigeait en principe intangible) aussi ...

Le soleil (S) était le centre d'un petit épicycle portant le centre de l'orbite terrestre (Ot) .

C'est Ot et non le soleil qui est le centre de toutes les orbites planétaires selon un principe complexe , illustré ci-contre par  la rétive Mars (Ptolémée avait aussi éprouvé des difficultés avec elle) . Mars évolue sur un épicycle dont le déférent est centré sur Om qui garde avec Ot une relation constante .

 

 On voit qu'on est encore éloigné de la simplicité féconde du système actuel même si le chemin parcouru depuis l'école d'Alexandrie est énorme .

  Heureusement , malgré ses imperfections , le système est séduisant par bien des aspects : à partir de trajectoires orbitales simples , on parvient à justifier les boucles de rétrogradation qui auparavant nécessitaient de mettre en oeuvre une mécanique alambiquée (cela va tout à fait dans le sens d'une exigence nouvelle: expliquer les mouvements par l'action d'une force dont il faut trouver l'origine).

 Et puis , surtout , on peut calculer la distance soleil-planète en fonction de la distance soleil-terre (ou le contraire) ce qui va s’avérer déterminant pour contrôler la fiabilité du modèle ou le perfectionner .

En effet , comme le montre le dessin ci-contre, quand l'élongation entre le soleil et une planète inférieure est maximale , l'angle P est égal à 90° et l'angle T peut être déterminé par l'observation . On a donc SP=STsin(T) et TP=STcos(T) .


Pour une planète supérieure , c'est plus compliqué comme nous en ferons la démonstration un peu plus loin .

 

 

 Malgré que soufflât en Europe un vent de contestation vis à vis des valeurs spirituelles et scientifiques,

 les thèses de Copernic eurent bien du mal à s'imposer. Même si elles furent largement répandues et utilisées dans le milieu fermé des astronomes Européens, ceux -ci n'éprouvèrent pas le besoin de changer de système . C'est beaucoup plus tard , en 1616 , alors que le grand public en prit connaissance , qu'elles furent mise à l'index par le clergé catholique et vivement critiquées par les protestants .

Par bonheur, parmi leurs rares adeptes, il s'en trouva deux dont le rôle allait s'avérer indirectement déterminant : le premier, un Allemand Maestlin , initia Kepler à l'Astronomie et le second , un Italien Benedetti , eût pour élève Galilée .


 



Pour faire pousser de la graine de génie , il faut un bon terreau, la nourrissant des meilleurs principes, et un bon tuteur qui, une fois le talent éclos, lui donne la possibilité de grandir et de s'élever vers le ciel .


Le tuteur s'appelait Tycho-Brahé (1546-1601) mais il joua ce rôle à son insu , en fournissant à Kepler le résultat de ses observations rigoureuses qui allaient permettre à l'élève de dépasser le maître.

Pour l'instant , notre Tycho , qui vient d'être congédié de la cour du Danemark fait route en bougonnant vers celle de Prague, traînant derrière lui une vingtaine d'employés et une cohorte de chariots bourrés à craquer de ses fabuleuses tables astronomiques et de ses précieux instruments .

Tycho-Brahé a acquis une solide renommée grâce aux énormes moyens dont l'avait doté le défunt roi des Danois . Là bas, il exerçait ses talents sur une ile exclusivement dédiée à l'Astronomie et qu'on avait baptisé Uraniborg .

Tycho est un personnage étrange .

Tout jeune , il a été enlevé à sa famille par son oncle, un vice-amiral  qui ne pouvait avoir d'enfant. 

Puis , son père adoptif, meurt en sauvant son roi de la noyade et Tycho hérite de ses terres et de la reconnaissance de la famille royale qui lui fait une rente princière .

Jeune étudiant , il se bat en duel avec l'un de ses camarades qui prétend être meilleur que lui en mathématiques et prouve , d'ailleurs, sa suprématie en lui arrachant la moitié du nez qu'il remplacera par un alliage d'or et d'argent . Probablement convaincu , grâce à cet épisode , du caractère arbitraire des réputations fondées sur le maniement des armes et des aléas dangereux qui peuvent en découler,

 Tycho rompt avec la tradition familiale et décide de dédier sa vie à l'Astronomie .

Grand buveur , il possède un élan domestique (qui mourra d'avoir découvert sa réserve de bière) et un nain appelé Jepp , doté de talents divinatoires à qui il jette les miettes de ses festins .

Il règne en maitre tyranique sur son "île écarlate" . Les tourelles de son château se déplacent , la nuit pour laisser place aux instruments d'astronomie et dans son cabinet on peut voir les portraits des huit plus grands astronomes de l'histoire , de Timocharsis à Tycho lui même , suivi de Tychonide (l’enfant à venir).

Tycho provoqua la colère royale pour être resté sourd aux injonctions de la justice qui lui demandait de libérer une famille entière qu'il avait jeté dans un cul de basse fosse pour un motif absurde .

Devant son obstination irritante à ne pas répondre à de multiples sollicitations, le monarque diminua le montant de la rente qu'il lui versait , ce qui provoqua son départ pour une destination inconnue .

 En cours de route , il écrivit à son souverain pour se plaindre du traitement qu'on lui infligeait et ajouter qu'il était prêt à rentrer si on lui faisait enfin des conditions équitables .

Le roi Christian lui répondit en réfutant point par point ses doléances et en concluant que la seule condition à son retour était de lui montrer plus de respect et de se soumettre aux injonctions de sa justice .

     Même si Tycho-Brahé était persuadé de la fausseté des idées de Copernic, leur préférant son propre système,  il avait atteint une telle précision dans l'observation qu'elle rendait possible la mise à l'épreuve de tous les modèles proposés (y compris le sien) .




Son système est encore géocentrique mais la terre n'est le centre que des orbites du soleil et de la lune, tandis que le soleil (qui tourne autour de la terre) est le centre des orbites des autres planètes.


Si l'on admet qu'il est difficile d'identifier le repère fixe et le repère en mouvement  et de savoir si c'est la terre qui tourne autour du soleil ou le contraire, son modèle est tout de même en progrès sur celui des grecs, puisqu'il postule la rotation des autres planètes autour du soleil, conformément à ce que nous savons être, aujourd'hui, une réalité.

 

 


Alors que les Grecs calculaient la position d'un astre à 30 minutes d'angle prés (un demi-degré ce n'est déjà pas beaucoup), Tycho proposait une précision de l'ordre de 4 minutes . Et ces minutes là allaient s'avérer déterminantes en deux ou trois occasions. 

En sus de la précision de ses observations , Tycho-Brahé a  contribué (assez modestement) à l'évolution de l'Astronomie  :

D'abord , à ses débuts, en 1572, lorsqu'il observa une super-novae  , qui brilla autant que Vénus pendant un temps, avant de disparaître 18 mois plus tard . C'était un sérieux démenti à l'immuabilité des cieux .

Par la suite, son observation d'une comète permit de faire passer ces objets de la classe des phénomènes athmosphériques à celle des « astres chevelus ».

De plus, leur trajectoire transverse tendait à démontrer que si les sphères célestes étaient faites de cristal , il fallait s’attendre à y trouver de sacrés trous.

Sa conception de la mécanique céleste s’en trouvait d’ailleurs confortée.

Enfin , il faut savoir que c'est lui qui le premier découvrit la réfraction atmosphérique qui fausse la mesure des angles , prés de l'horizon, ou, du moins, apprit à en corriger les effets .

 



  



C'est donc à Prague , en l'an 1600 (un an avant sa mort) que Tycho-Brahé va rencontrer Kepler , le prendre à son service, et lui confier l'étude de Mars . Celui-ci pensait résoudre le problème en huit jours mais , le calculateur obstiné se heurta à des problèmes très complexes avec les outils mathématiques insuffisants de son temps , si bien qu'il appela (en vain) François Viète à son secours .

Il ne trouva ses deux premières lois qu'en 1605 et ne les publia qu'en 1609 dans son ouvrage majeur, Astronomia Nova, avant de mettre un point final à son oeuvre en 1618 par la publication de la troisième dans Harmonices mundi .

Cela dit , au regard de la difficulté de la tâche , des siècles passés dans l'ignorance et de la somme d'idées fausses dont il avait héritées on peut juger que toutes ces années ont été fort bien employées .


Kepler , est un personnage attachant qui ne fait pas mystère , quand il rend compte de ses travaux, des difficultés rencontrées et de ses maladresses .

Il lui arrive de justifier pendant des pages un modèle qui donne des résultats largement supérieurs à tout ce que l'Astronomie avait produit jusqu'alors, puis de le démolir en disant en substance "et bien maintenant , voilà , cher lecteur pourquoi ce que je vous ai dit jusqu'ici est juste bon à mettre à la poubelle au regard des exigences scientifiques qui doivent être les nôtres " .

Son honnêteté et son obstination à trouver un modèle qui soit en parfaite cohérence avec les faits observés en font le précurseur de la méthode scientifique moderne . C'est la première fois , en effet , qu'une démarche théorique adopte pour principe de ne pas faire de concession aux observations  . Soit elle est capable d'expliquer les plus infimes écarts à la réalité , soit elle est déclarée nulle et non avenue .

De plus , bien qu'il les dépassât en stature intellectuelle par l'excellence de ses résultats , Kepler garda en grande estime ses maîtres Tycho et Maestlin et leur rendit continuellement hommage en les associant à la production de ses oeuvres .

 

Suivons la trajectoire de Kepler .

Son atout principal est de disposer de la formidable base de données léguée par Tycho .

Les tables lui donnent au jour le jour , depuis des années, les coordonnées équatoriales du soleil et de Mars (pendant les périodes où il était observable), ainsi que les coordonnées de nombreuses conjonctions et oppositions observées pour cette planète .

Son principal handicap est de disposer de trois modèles (Ptolémée , Copernic et Tycho) serrant de trés prés la réalité mais n'en rendant pas exactement compte .

 


Son premier travail est de vérifier pourquoi le système de Tycho ne traduit pas exactement la variation de latitude de Mars  . Il refait les calculs en prenant tour à tour comme centre commun des orbites la terre et le centre de l'orbite terrestre selon Copernic . Il constate que c'est ce dernier qui obtient les meilleurs résultats mais qu'ils sont meilleurs encore si l'on prend comme centre le "corps du soleil" lui même et non pas le centre de l'orbite terrestre .

Pour mieux comprendre les problèmes qui se posaient à Képler, voici un extrait des cahiers CLAIRAUT du CLEA qui nous explique comment on observe les oppositions de MARS sur une longue période



Remercions Pierre Causeret l'auteur de cette étude remarquablement claire  sur les rétrogradations de Mars.  (qui se produisent lors des oppositions)  

On note que les oppositions sont périodiques, (2 ans et 50 jours), séparées de 50° sur l'écliptique, et  que certaines se rapprochent beaucoup de la ligne des noeuds qui elle est fixe (en réalité elle bouge de 1° par siècle) et dont les "extrémités" correspondent à des endroits précis de l'écliptique. 

Bien sûr , Képler et Tycho savent tout cela et ils connaissent aussi la période de révolution de Mars sur son orbite qui est le temps qui sépare, par exemple, 2 franchissement exacts de l'écliptique du Nord au Sud (687 jours). Ils savent que la vitesse angulaire moyenne de la terre sur son orbite est 360° par an et celle de Mars  environ 190° par an. Si la terre, qui va plus vite gagne 170° par an sur mars, après une opposition elle mettra 360/170 années pour gagner un tour complet et la rattraper Soit 2 ans et des poussières, c'est la période des oppositions. 



Comparons maintenant les 2 systèmes, lorsqu'ils sont confrontés à ces données.

Sur les dessins ci-dessous l'angle des orbites est trés exagéré pour illustrer les différences qu'on veut mettre en évidence. 

Dans ce qui suit , T représente la Terre , M Mars et S le soleil . Le cercle sur lequel se déplace E est l'écliptique dont on connait la trace sur la sphère céleste.

Comment repère - t - on une opposition? Il faut que la planète, la Terre et le soleil soient alignés (dans cet ordre) et donc que  l'écart en longitude écliptique du soleil et de la planète soit 180°.  Le soleil se trouve sur le méridien à midi (heure solaire). Si la planète se trouve aussi sur le méridien à minuit on est en pleine opposition.

Dans un système héliocentrique , les oppositions peuvent se produire , par exemple, pour les couples T1,M1 (quand les planètes se trouvent sur la ligne des noeuds des orbites) ou pour les couples T2,M2 quand la ligne de visée de Mars est perpendiculaire à la ligne des noeuds . Dans le premier cas , la latitude écliptique de Mars est nulle (on a une opposition parfaite)  . Dans le deuxième cas , elle est maximale et égale à l'angle ET2M2.
Dans le système héliocentrique la ligne des noeuds est à peu prés fixe, autrement dit la planète peut être légèrement en dessous ou en dessus du cercle écliptique mais elle la franchit toujours au même endroit en un point de longitude écliptique fixe. 


Quant à l'angle des orbites il est égal à l'angle ESM2 quand l'angle ET2M2 est maximal (c'est à dire quand l'opposition a lieu sur la perpendiculaire à la ligne des noeuds)

Pour calculer l'angle des orbites, (connaissant ET2M2)  il faut connaître le rapport des rayons des orbites de Mars et de la terre (ST2/SM2).

Nous donnerons plus loin une méthode de calcul de ce rapport inventée par Képler.


Dans le système héliocentrique, Kepler trouva l'angle des orbites constant et égal à 1°50' (alors que sa valeur actuelle est 1°51'). C'était un résultat remarquable.


 Par contre, lorsqu'on examine le système de Tycho,  d'abord la ligne des noeuds n'est pas fixe, elle tourne avec le soleil, et pour qu'il y ait des oppositions parfaites, il faudrait que la ligne des noeuds puisse être confondue avec ST, autrement dit que la ligne des noeuds tourne avec le soleil quand il parcourt son orbite, et autour du soleil dans le plan de l'écliptique.

On peut facilement démontrer que d'un point de vue cinématique le système de Tycho est incompatible avec l'observation.

Car pour que la planète franchisse l'écliptique toujours au même endroit, il faudrait que les 3 vitesses (soleil sur son orbite, Mars sur son orbite, ligne des noeuds autour du soleil) soient liées par une relation improbable. Et si c'était le cas, cela serait incompatible avec par exemple la périodicité des oppositions.

Or la tache confiée par Tycho à Kepler est justement de prouver que l'observation confirme ses théories, ce qui est évidemment impossible.


En bref quand on cherche à expliquer le comportement de Mars sur la voûte céleste et les variations de sa latitude écliptique, dans le système de Tycho, on trouve de nombreuses incohérences entre la réalité et le modèle théorique.

Dans le système de Copernic , si l'on prend comme centre des orbites le soleil lui même, tout semble couler de source.

Cette étude fut très importante, non pas à cause de sa précision , remarquable pour l'époque, mais parce qu'elle fonda chez Kepler la conviction d'un système héliocentrique qui le mit sur la bonne voie .

 

Kepler débuta donc l'étude de Mars en mâtinant héliocentrisme copernicien et équant ptoléméen pour essayer de gommer les imprécisions d'un modèle qu'il pensait globalement valable .

On rappelle que dans l'équant , il existe une planète fantôme animée d'une rotation uniforme sur un cercle centré en E (le cercle bleu qu'on pourrait appeler cercle fantôme) .

La prétendue trajectoire de la planète est un autre cercle (le déférent , en rouge) centré en O.


Au temps t , si la planète fantôme est en d , théoriquement , la planète réelle m se trouve à l'intersection de la ligne Ed et du déférent .     Chez Ptolémée , E est le symétrique de la terre (S)  par rapport à O . On parle alors de bissection de l'équant .

Chez Kepler , le soleil  S remplaçait la terre . Il renonça tout d'abord à la bissection de l'équant pour y revenir par la suite sans plus de succès. Le principe fondant le calcul de  l'équant était basé sur la recherche de 3 ou 4 de ses points, obtenus à partir de positions de Mars à des dates différentes, et  qui permettaient de tracer le cercle . 



Par la suite , on se livrait à une savante cuisine sans grand fondement mathématique pour répartir les positions intermédiaires au prorata des durées séparant les points déjà inscrits sur le cercle fantôme.

Notre dessin inclut aussi l'ellipse correspondant à ce que nous savons aujourd'hui être l'orbite réelle de Mars. 

Par chance , le mouvement d'une planète sur son ellipse se déduit , lui aussi de celui d'une planète fantôme mais par un procédé très différent de celui adopté pour l'équant .

 Comparons les :

A la date t , il faut projeter la planète fantôme selon dH (perpendiculairement au grand axe, qui en réalité est un peu différent de la ligne des apsides dérivant de l'équant) et situer la planète réelle M à l'intersection de dH et de l'ellipse .  A la date du dessin , donc , la planète de Kepler est sensée se trouver en m alors qu'elle se trouve réellement en M .

Bien que l'excentricité de notre ellipse soit très exagérée , la superposition des deux constructions suffit à expliquer pourquoi Kepler constate des écarts pouvant atteindre 8' d'angle entre sa planète théorique et la planète réelle .

 

L'un des buts que s'est fixé Kepler est de faire de l'orbite de la Terre un dessin à l'échelle .

Pour cela , il va inventer une méthode originale : utiliser Mars comme point fixe . Bien sûr , la planète est mobile et apparemment sa vitesse n'est pas constante sur sa trajectoire mais Kepler sait que chaque 687 jours, elle retrouve la même position sur son orbite , exactement comme le fait la terre chaque 365 jours

Il suffit donc d'avoir beaucoup d'observations séparées par des intervalles de 687 jours (ou d'un multiple quelconque de 687 jours) à partir d'une opposition .

Bien sûr, Tycho a ça dans ses archives .

 

La méthode est la suivante : le jour de l'opposition , le soleil est en S avec une longitude écliptique s1 et Mars en M1 avec une longitude écliptique m1. La terre se trouve on ne sait où, en T1, sur le segment SM1 qu'on prendra comme référence de longueur.

Au bout de 687 jours, Mars retrouve sa position initiale par rapport au soleil (M2 confondu avec M1).

La terre est en T2 et on connaît les longitudes de Mars (m2) et du soleil (s2) à cette date .Dans le triangle STM, l'angle M est égal à (m2-m1) , l'angle S à (s2-s1) . Le côté SM étant supposé fixe et connu, la trigonométrie permet de calculer les distances ST et MT en fonction de SM.  Connaissant les angles S et M , on peut situer le point T par rapport à SM, sur le dessin .

En réitérant l'opération pour d'autres observations distantes de 687 jours, puis pour d'autres oppositions, on obtient bientôt suffisamment de points pour avoir une image à l'échelle de la trajectoire de la Terre .


Par rapport au soleil , la distance ST subit de petites variations au cours des saisons , mais la trajectoire ressemble furieusement à un cercle très légèrement excentré . Copernic vient de marquer un point .


 

Kepler , veut maintenant tester sa nouvelle théorie de l'inverse proportionnalité de la vitesse à la distance planète-soleil sur la maquette obtenue .

Puisant dans les cartons de Tycho , Kepler dispose de nombreuses observations séparées par des intervalles de temps égaux .

Cela est nécessaire pour apprécier la vitesse de la terre sur sa trajectoire.

Après avoir intégré ces observations à son dessin , il remarque qu'effectivement, la planète se déplace plus rapidement en hiver qu'en été (sachant ce qu'on sait aujourd'hui on dirait "plus rapidement au voisinage du périhélie qu'au voisinage de l'aphèlie" . 

Malgré la constance de l'écart d'observation , les points sont d'autant plus éloignés les uns des autres que leur distance au soleil est courte.

Mais le dessin de Kepler est beaucoup moins significatif que le nôtre où nous avons accru l'effet de la vitesse et l'excentricité du soleil . Cela tient au fait que de toutes les orbites , celle de la terre est l'une des moins excentriques . L'une de celles qui se rapprochent le plus du cercle avec le soleil en son centre .


Une faible excentricité suffit à justifier l'inégalité des saisons dont la durée varie de 88,25 jours pour l'automne à 94,5 jours pour le printemps .

Néanmoins , Kepler commence à subodorer que l'aire du triangle composé par le soleil et deux positions de la planète séparées par des temps égaux pourrait être constante .

 

De temps en temps , Kepler interrompt ses calculs pour prendre de la hauteur , délaissant les faits , il s'intéresse aux causes et même, au delà des causes, à l'harmonie du monde dont découlent les lois qui doivent être simples et lumineuses . Pour justifier les heures , les jours et les années passées à résoudre une question unique , il faut un mobile puissant , dépassant la simple estime de soi même et pour Kepler , c'est la recherche de la loi suprême dont découlent toutes les autres .

Lorsqu'il ouvre la soupape, il vacille entre la folie et le génie établissant des relations entre les orbites planétaires et des solides réguliers s'emboîtant comme des poupées Russes ou , plus tard entre les vitesses orbitales optimales et les intervalles consonants de la gamme musicale .

 

Sa conception de l' Anima Motrix (l'âme motrice) est édifiante et mérite un petit détour :

D'après Kepler , le Soleil "est le seul corps qui paraît propre, en vertu de sa dignité et de sa puissance à faire mouvoir les planètes et il est digne de devenir le séjour de Dieu lui même , pour ne pas dire du premier moteur".

Il émet les rayons d'une force motrice (l'anima motrix) dans le plan de l'écliptique et les planètes , touchées par plus ou moins de ces rayons selon leur distance , sont plus ou moins animées par lui.

 

Farfelu , certes , mais n'était il pas génial de pressentir avant Galilée et Newton que les masses pouvaient être influencées à distance à l'instar des phénomènes magnétiques et que le soleil devait être le moteur du système solaire ?

 

Reprenant ses calculs , Kepler va utiliser le même principe que précédemment et dessiner l'orbite de Mars à partir de positions fixes de l'orbite terrestre . Pour cela , il suffit d'avoir des observations réalisées à des intervalles annuels et les archives de Tycho en regorgent .

Cette fois , la terre est supposée fixe et la distance ST prise comme référence .

 Surprise ! La trajectoire de Mars n'est pas du tout le cercle attendu .


Elle ressemble à un ovale dont le soleil, situé sur un axe, n'occupe visiblement pas la position centrale .

Bien que l'ovale soit nettement moins marqué que sur notre dessin où il a été volontairement exagéré, les imperfections découlant de la première méthode , reposant sur l'à priori d'un cercle apparaissent immédiatement .

Aucun cercle ne peut recouvrir cette figure . Il va falloir expliquer cette forme bizarre qui ressemble à celle qu'on obtient avec un épicycle mineur tournant deux fois plus vite que le point de son déférent .



Il ne le sait pas encore mais la chance a voulu qu'il s'intéresse à la plus excentrique des orbites connues (mis à part celle de Mercure , pratiquement inobservable) .

 

 Aprés avoir abandonné l'hypothèse de l'épicycle , Kepler vérifie ce qu'on va appeler "la loi des aires" à savoir que l'aire de la portion  d'orbite comprise entre deux rayons vecteurs , pointant depuis le soleil vers deux positions de la planète , est proportionnelle au temps écoulé entre ces deux positions .

Soit un trajet (ab) quelconque sur l'orbite , l'aire Sab balayée par le rayon vecteur , est proportionnelle au temps que met la planète pour se rendre de a à b .

 Inversement, les aires Sab et SAB étant égales , les arcs (ab) et (AB) sont parcourus en des temps égaux .

L'arc (ab) étant manifestement plus long que l'arc (AB) on en déduit que la planète va plus vite prés du périhélie (prés du soleil) que prés de l'aphélie (loin du soleil) .


La loi des aires est une loi des vitesses.

 

 Il est à noter qu'historiquement la 2eme loi de Kepler a été trouvée avant la 1ere .

L'hypothèse ayant mis Kepler sur la bonne piste était fausse . Reportons nous au dessin ci dessous :

Il pensait que la vitesse de la planète était inversement proportionnelle à sa distance au soleil 

En réalité , la vitesse est inversement proportionnelle à la distance du soleil à la tangente en P




Mais ayant formulé cette hypothèse, il était assez naturel , pour l'éprouver de tracer le triangle formé par deux positions voisines de la planète (PQ) et le soleil .

 Au périhelie et à l'aphélie , son hypothèse est équivalente à la loi des aires puisque la distance du soleil au point et à la tangente sont égales.

De là à l'éprouver sur les autres parties du trajet, il n'y a qu'un pas.


On peut s'étonner du  temps qu'a mis Kepler à formuler la bonne loi des vitesses après la loi des aires (1609-1618)  .

 En effet , soit un point P sur la trajectoire . Sur une très courte portion d'orbite PQ parcourue pendant un temps t , on peut considérer que la vitesse est constante et égale à V (d'où PQ= V.t).

PQ , ainsi que le vecteur vitesse sont supportés  par la tangente en P à la courbe . La hauteur SH du triangle SPQ est en même temps la distance du soleil à la tangente .

On a donc PQ=V.t et l'aire du triangle SPQ est égale à 

   Si cette aire est proportionnelle au temps mis pour parcourir PQ on a A=K.t  ; 

D'où K=

  (la loi correcte) .


On comprend mieux le temps de réaction de Kepler si on sait qu'en 1609 , le calcul différentiel (qui permet d'affirmer la vitesse constante sur un tout petit trajet PQ) n'est pas encore inventé et que la mécanique va faire ses débuts sérieux avec Galilée, un peu plus tard .

Pourtant, l'astronome tutoie empiriquement ces deux disciplines avec une réussite qui force l'admiration .

Les travaux de Kepler seront indispensables à Newton pour trouver la loi de la gravitation universelle .

Voulant à tout prix faire correspondre une formule mathématique à la trajectoire des planètes , il va confronter tous les modèles crédibles avec la loi des aires et essuyer un nouvel échec .

Alors , il retourne à l'orbite de Mars qui a causé les pires difficultés à Ptolémée , Copernic et Tycho.

 

Parmi toutes les définitions de l'ellipse , nous nous intéresserons à celle qui permet de la construire à partir d'un cercle par une transformation appelée affinité .

 

1) On choisit 2 nombres positifs a et b tels que a soit plus grand que b

2) On trace un axe x'x sur lequel on choisit un point O .

3) On trace le cercle de centre O et de rayon a

4) On prend un point m sur le cercle de rayon a , puis on trace  mH , la perpendiculaire en m à l'axe xx'

5) on cherche  le point M de mH tel que

6) Quand m décrit le cercle de rayon a , M décrit une ellipse de centre O , de grand axe a=OA  et de petit axe b = OB.




Si l'on définit

c=

les points F et F' situés à une distance c de O sur l'axe xx' s'appellent les foyers .

 Le rapport e = 

 

 s'appelle excentricité. Il est inférieur à 1 (égal à 0 pour un cercle défini par a=b)

Si x et y sont les coordonnées de M dans le repère (O,x,y) , l'équation de l'ellipse est

  ou x=a.cost , y =b.sint .(avec 0 < t < 2p)

 

Revenons maintenant au dessin de Kepler :

Sur ce dessin figure le cercle de rayon qui contient l'orbite de Mars .

Pour que vous compreniez mieux les difficultés rencontrées par Kepler , communiquons quelques données numériques sur l'orbite de la 4eme planète .

L'excentricité de l'orbite est évaluée actuellement à 0,093 .

Cela veut dire que si l'on pose le petit axe (b) égal à 1 m  , le grand axe mesure 1,00435 m , ce qui donne un dessin d'environ 2 mètres sur 2 .

Or il convient de réaliser que dans le cadre de cet immense dessin, la distance Lm que Kepler appelle "épaisseur de la lunule" (en jaune) ne mesure que 4,35 millimètres .  Quant à la distance OS qu'on peut déterminer grâce à la formule c=ea elle mesure à peine 9,3 cm .

La différence avec un cercle est vraiment infime .

 

 

Si l'excellent livre d'Arthur Koestler sur les astronomes de cette époque s'appelle "Les somnambules" , ce n'est apparemment pas sans raison si l'on se réfère à la façon dont Kepler va découvrir la plupart de ses lois et notamment la première .

D'après ce que nous venons de voir , pour démonter que l'orbite de Mars est une ellipse , il suffit de l'inscrire dans un cercle (ce qu'avait fait Kepler) , de tracer des droites TH perpendiculaires au grand axe et de démontrer que l'un des rapports TT'/TH  ou TH/T'H est constant .

Mais à l'époque de Kepler , l'ellipse n'était pas une figure revêtant un intérêt particulier au plan scientifique (il n'en ira plus de même quand il aura publié son oeuvre) et les propriétés faisant résulter l'ellipse d'une transformation du cercle par affinité étaient probablement peu ou pas connues .

Pourtant , après bien des échecs, Kepler a flairé l'ellipse dans la trajectoire de Mars .

 Ce qui va le mettre sur la piste de sa découverte majeure est très mystérieux pour un mathématicien moderne .


 

 Il s'intéresse à ce qu'il appelle "l'équation optique" c'est à dire l'angle M sous lequel on voit les points O et S depuis Mars . Il remarque que cet angle est maximum et égal à 5° 18' pour un point de l'orbite qui semble être "à la verticale de S" , c'est à dire à l’abscisse c  (c'est effectivement le cas).

Calculant la sécante de cet angle (c'est à dire le rapport MO/MS) , il trouve 1,00429 .

Ce nombre l'interpelle car d’après des calculs antérieurs , en posant a=100.000 pour fixer un ordre de grandeur , il a évalué l'épaisseur de la lunule , c'est à dire le segment Lm (=a-b) , à  429 .

1,00429 et 429 : plus qu'une coïncidence , Kepler voit dans la relation entre ces deux chiffres un signe du destin .

 

 

 Ici , nous devons ouvrir une parenthèse pour faire les constatations suivantes :

l a/b constitue une valeur approchée très correcte du rapport MO/MS mais simplement une valeur approchée. Il est donc impossible , en considérant la relation comme exacte d'en déduire que la trajectoire de Mars est une ellipse .

l lorsqu'on pose , comme nous l'avons fait plus haut b=100000 , nous trouvons a=100435 et les calculs de la lunule (a - b= 435) et du rapport MO/MS  (a/b = 1,00435) font immédiatement apparaître la relation entre ces deux quantités , quelle que soit leur précision.

 

Mais que se passe t'il si l'on choisit a=100000 comme l'aurait fait Kepler ?

On va trouver b = 99566,6 soit une lunule égale à 433,4 et un rapport a/b = 1,0043589 .

La relation est plus délicate à établir et il faut une précision phénoménale , une chance incroyable ou une intuition hors du commun pour la découvrir .

 

Kepler , lui , ne déduisait pas ces chiffres du calcul , mais de ses mesures , ce qui diminue encore la probabilité , compte tenu des performances des instruments de l'époque , de mettre en exergue une égalité découlant de la comparaison de l'évaluation d'une longueur et du calcul d'une ligne trigonométrique s'appliquant à un angle dont la mesure était elle même sujette à erreur .

Que malgré tous ces handicaps , la 5eme décimale de la ligne trigonométrique fut au rendez vous pour le mettre sur la bonne voie , relève du miracle .

 

Mais même quand ce miracle s'est produit , le chercheur n'est pas arrivé au bout de ses peines puisque la véritable valeur de la sécante est 

dont 

n'est qu'une valeur approchée quand a et b sont très voisins

 

(on pose a=b+k et on néglige les termes en k/b de degré supérieur ou égal à 2).

La constatation de Kepler , permet simplement de mettre en exergue , par le plus pur des hasard , le nombre 429.

Comment trouver l'équation de l'ellipse à partir de cette constatation ?

Les historiens de l'astronomie que j'ai consulté négligent l'aspect mathématiques des découvertes .

Cet aspect est soit passé sous silence soit entaché inexactitudes .

Pour ce qui concerne la découverte de la 1ere loi, tous sont à peu prés muets .

Mais on peut imaginer le cheminement suivant :

Si 0,00429 est le rapport entre Lm et LO , c'est aussi , dans le cas général le rapport constant entre

TT' et TH , c'est à dire entre l'épaisseur de la lunule au point T et la "hauteur " du cercle au même point.





 Il est probable que Kepler a remarqué la constance de ce rapport  et il en a rapidement déduit que T'H/TH était lui même constant et égal à b/a soit 0,99571

Même si on ignore tout de la relation d'affinité , en posant l'angle AOT = α dans le triangle OHT, il vient immédiatement OH=a.cos(α) et TH=a.sin(α ) d'où l'on tire facilement que les coordonnées de T' sont x=OH=a.cos(α)  y=HT'=b.sin(α) , ce qui est l'équation paramétrique de l'ellipse , puis on peut lier x et y par la relation 

 qui est l'équation cartésienne de l'Ellipse .

 


 

Nous espérons vous avoir fait comprendre à quel point , la découverte de cette 2eme loi était difficile et relativement chanceuse . C'est probablement l'un des plus beaux exploits de toute l'histoire des sciences et sa découverte va donner à l'astronomie , et plus généralement à la mécanique un élan fondamental .

Essayez d'imaginer Newton essayant de trouver les lois du mouvement des planètes si leurs trajectoires sont encore des épicycles ou des équants .


La troisième loi 

Mais Kepler ne s'arrêta pas là . Sa 3eme loi  justifie, à elle seule, le titre de l'ouvrage dans lequel elle a été publiée : Harmonices Mundi , l'harmonie du monde . Elle proclame que le rapport du cube du rayon de l'orbite des planètes (ou plutôt leur demi - grand axe) au carré de leur période est une constante

 


Pour donner un exemple , si l'on calcule la période en années et le demi -  grand axe en unités astronomiques (distance terre - soleil), ce rapport donne 1/1=1 pour la Terre, il doit donner 1 pour les autres planètes .

Prenons  Saturne (p=29,46 années et R=9,54 UA) le même rapport donne 867,9 / 868,25 (soit à peu prés 1)

Prenons   Jupiter (p=11,86 années et R=5.2 UA) le même rapport donne 146,6 / 140,6 (soit à peu prés 1) .

Ne dirait - on pas que la nature s'évertue à fonctionner selon des lois simples ?

Pour découvrir une telle relation sans fondement théorique , il faut tordre les chiffres dans tous les sens avec l'intime conviction qu'il se cache derrière eux l'eau pure d'une ritournelle , un langage compréhensible par les enfants .

 

Ainsi était Kepler . On peut imaginer sa jubilation à contempler son oeuvre achevée, lui qui vivait à une époque où l'on ne concevait le savoir officiel que bardé des artifices de la complexité et véhiculé par des langages abscons .

Au fait : les choses ont - elles vraiment changé , aujourd'hui ?

 

 

 Galiléo Galiléi  (1564-1642)


Galilée vit le jour dans une modeste famille florentine et grandit au milieu de 4 frères et soeurs .

Son père , un musicien dont les oeuvres allaient passer à la postérité , était aussi un érudit et un révolté .

Lorsqu'il prit conscience des capacités intellectuelles de son fils et de son goût pour les études , il se saigna aux quatre veines pour le faire entrer à l'université aprés qu'on lui eut préféré 40 candidats pour l'attribution d'une bourse . 

La clairvoyance des institutions à l'égard des futurs génies n'était pas démentie.


Dés 18 ans , il se distingua en remarquant que la période d'un pendule , ne dépend pas  de l'amplitude de son mouvement , mais de sa longueur . Plus tard , il inventa une balance hydrostatique , le thermoscope qui est l'ancêtre du thermomètre et surtout , il perfectionna de nombreux instruments de façon ingénieuse.



Mais curieusement , Galilée est surtout connu du grand public comme astronome alors que c'est le père de la mécanique moderne , auteur de plusieurs études remarquables dont une , fameuse , sur la chute des corps.

Ci contre, la tour de Pise, du haut de laquelle, dit - on ,  il procédait aux expériences qui lui ont permis de trouver la fabuleuse équation permettant de quantifier le mouvement de la chute libre des corps en fonction du temps.

Les travaux de Galilée , comme ceux de Kepler contiennent explicitement les germes des lois sur la gravitation universelle qui seront mises en musique par Newton, 100 ans plus tard.






Ses talents furent reconnus par la famille Del Monte qui le prit sous sa protection et le présenta au duc de Medicis . Il obtint enfin une chaire de mathématiques à Pise , puis à la célèbre université de Padoue .


Sa contribution à l'astronomie est relativement modeste.


Bien qu'il enseigna le système Ptoloméen et dénigra les travaux de Kepler , il est connu comme un partisan des thèses Coperniciennes . Mais dans une lettre à Kepler, qui lui avait adressé son premier livre (Le mystère cosmique), il montre une certaine tiédeur à les défendre car , dit-il en substance , les sots sont trop nombreux au regard des doctes savants pour qu'on montre du zèle et qu'on prenne des risques à défendre la vérité .





Voici quelques extraits significatifs de la réponse de Kepler , en forme de leçon de morale :

"J'aurais souhaité , cependant, que doué d'une aussi haute intelligence, vous prissiez une autre position.

Avec votre habile réserve , vous soulignez par votre exemple l'avertissement de faire retraite devant l'ignorance du monde et de ne point provoquer à la légère la fureur des docteurs ignorants (...)

Ayez confiance , Galilée , avancez . Si je ne me trompe , il y a bien peu de grands mathématiciens en Europe qui voudraient se séparer de nous : tel est le pouvoir de la vérité " .

Un peu plus loin , Kepler demande à son collègue italien si par hasard , il n'aurait pas dans son fatras , un quadrant assez précis pour lire les angles d'un quart de minute .

Vexé , le Padouan va cesser toute correspondance avec Prague pendant de nombreuses années .

 

13 ans , plus tard , en 1610 , Kepler reçoit, par un ami, un exemplaire du Messager Astral , le premier livre de Galilée (qui publiait très peu) . On y apprend que le savant italien a acquis et perfectionné une lunette d'invention hollandaise et l'a pointée vers les astres . Grâce à cet instruments il a vu dix fois plus d'étoiles que l'oeil ne le permet , il en a compté 80 dans la seule région d'Orion , il a découvert 36 compagnes aux six Pléiades , il a constaté , ébahi,  que la voie lactée était pavée de ces astres discrets .

Il a contemplé les montagnes et les vallées de la lune et , merveille des merveilles, il a découvert quatre planètes "qui n'avaient jamais été vues depuis le commencement du monde" .

A l'énoncé de cette dernière nouvelle , Kepler sursaute : Galilée a du se tromper : il n'y a que cinq solides parfaits et il a démontré que chaque orbite pouvait être  inscrite dans l'un d'eux . Encore une fois , un raisonnement fallacieux lui donnera raison : il ne s'agit pas de 4 planètes mais de 4 satellites de Jupiter .



Il n'en demeure pas moins que Galilée a ouvert une porte sur l'infini et amené de l'eau au moulin Copernicien . On s'arrachera son livre (très court et facile à lire) et on le contestera beaucoup dans les milieux officiels . Kepler , ignorant la rancune , en deviendra le plus ardent défenseur et écrira à son collègue pour témoigner de son admiration . Sans exiger aucune preuve, il a flairé les accents de la vérité .



Galilée , en proie à de très nombreux détracteurs , fit amende honorable et salua la noblesse de coeur de celui qui, en dépit d'une rivalité qui n'existait que dans l'esprit du public , devenait son meilleur allié.

A partir de là , Galilée communiquera ses découvertes à Kepler sous forme d'anagrammes tels que :

"samismrmilmepoetaleumibunenugttaurias" . Kepler suera sang et eau pour y dénicher  un "vers latin barbare" :"salve umbistineum gemimatum martia proles" (salut , brûlant jumeau , rejeton de Mars) alors qu'il fallait lire "Altissimum planetam tergeminum observavi" (j'ai observé la plus haute planète en triple forme) . Galilée croyait avoir observé deux satellites de Saturne . En réalité , il s'agissait de ses anneaux .

Un mois plus tard , Kepler reçut un autre anagramme indéchiffrable et il supplia Galilée de cesser de jouer avec ses nerfs .La solution était "La mère des amours imite les formes de Cynthia" , à savoir que Vénus imitait la lune . 

Il venait de découvrir les phases de Vénus dont une étude plus sérieuse devait donner un argument décisif aux défenseurs du système Copernicien : la planète tournait bien autour du soleil .

 


Par la suite on connaît les problèmes de Galilée avec l'inquisition . Mais selon Koestler , ils ne furent pas aussi sérieux que certains le prétendent , l'église se bornant à une mise à l'index avec interdiction d'argumenter en faveur des idées nouvelles . Il semble qu'il n'ait jamais prononcé la phrase fameuse "eppur si muove" (et pourtant elle se meut) lors de son abjuration mais il ne fait aucun doute qu'elle devait macérer dans son esprit .


3. Newton